les vieilles Janoski camel, -devenues presque grises avec temps- foulent l'asphalte frénétiquement. un vieux son de l'âge d'or du hip dans les oreilles. il a pas pris une ride. entre tes doigts bagués une Marlboro light au filtre un peu affaissé. un faible rictus enlumine ton visage. un sourire cassé, mais qui te donne l'apparence d'un enfant qui a grandi trop vite. attendrissant. l'air enfumé dans tes poumons est frais, il raconte un automne qui est arrivé un peu trop vite. d'ailleurs, il parait que cet hiver sera -comme tous les ans- l'hiver le plus froid connu depuis 100 ans. mais dans le fond tu t'en branles, tu le préfères à l'été.
la démarche est rapide, porté par ces émotions qui te bousculent. tu ralentis. tu sais ce qui t'attend au bout de la course. t'as pas envie de rentrer. tu sais qu'en arrivant, elle sera là. elle sera là parce que t'as fait l'erreur fut un temps de lui donner les clés de ton F1 rue Töngesgasse. sur un coup de tête que tu pensais réfléchis, tu lui avais fait ton regard de "koala" comme elle l'appelle et tu lui avais dit avec une excitation malicieuse tiens chat en lui tendant le trousseau qui traînait depuis des années dans le premier tiroir du meuble de l'entrée. sur le moment t'avais trouvé ça cool parce que c'était la première fois que t'officialisais quelque chose dans ta vie. mais depuis, la mer avait coulé sous le pont, semblait-il.
elle t'attendra sûrement devant une ces séries à la con qu'elle adore, un plateau vide de chez Sushi Shop sur la table basse, son espèce de petit chien écoeurant qui ressemble plus à un rongeur qu'autre chose dans les bras. elle n'avait rien d'imprévisible. putain.
il est 23h47 quand tu ouvres la porte. l'appart sent la bougie. tu saurais pas dire quelle odeur parce que pour toi, à peu de chose près, arbre Frangipanier et bois centenaire sont deux choses qu'on peut mettre dans le même sac à petites idées. tu n'es pas fait pour déceler les différences aussi subtiles. rapidement, ses pieds nus sur le parquet s'approchent de toi. t'étais avec elle? c'est ça? son poméranien de merde commence à aboyer. bonsoooir... tu soupires. en vrai répond, je rigole pas Hedi. malheureusement pour elle, elle a raison. tu la jauges quelques secondes avant de remarquer qu'elle porte ton sweat Flowmaster. elle t'énerve encore plus. j'ai été boire un verre avec Baba. elle siffle en secouant sa tête blonde. tu mens. le chien continue d'aboyer. ta gueule toi là putain! (...) Hé mais, me casse même pas le crâne Oda. tu la dépasses. mais qu'est ce que j'ai fait pour mériter un connard pareil? elle crie. elle te fatigue. t'as rien à te reprocher en plus. rien. si ce n'est qu'elle te fait plus vibrer comme avant.
pendant que tu bois à même le goulot une lampée de jus de banane, elle se jette dans le canapé, le regard noir. Elle caresse inlassablement le poil roux du petit chien. on dirait une mauvaise actrice de série B. je vais prendre une douche. lui dis-tu, comme pour combler le silence mortuaire de l'appartement.
quand tu reviens, elle a pas bougé. la télé diffuse un vieux thriller avec Al Pacino et De Niro. tu te souviens plus du nom. elle fixe les flaques d'eau que tu laisses sous tes pas. elle a quelque chose de sexy qui fait que t'as pas envie d'être en froid avec elle ce soir. pauvre mec. tu t'approches d'elle doucement. parce qu'on est jamais trop prudent. aller bébé. me fais pas la tête. ta main se pose sur sa cuisse. elle ne la repousse pas. j'aime pas quand tu me boudes. lui souffles-tu dans l'oreille. elle se tourne et te regarde avec ses yeux façon tarte à la crème. y'a que toi qui compte. elle t'embrasse. rapidement la température et je vais pas vous faire un dessin.
Oda elle est un peu trop amoureuse de toi, un peu trop naïve. elle sait toujours pas que les garçons sont des menteurs.
j'aime pas trop parler de moi, je saurais même pas quoi vous dire, si ce n'est que je suis actuellement en erasmus à Zagreb que j'ai du taf à mort jusqu'à lundi et que du coup soyez indulgents avec moi svp. |