I won't give up the fight (Leni)

Anas est un jeune homme qui dit ce qui pense et quand il pense quelque chose il le dit haut et fort. Par exemple, depuis hier, les douches donnaient que de l'eau froide et le jeune homme n'en pouvait plus. A chaque fois qu'un éducateur passait, il ne se privait pas de le dire. De plus, il venait de se disputer une énième fois avec Israa.
Par malheur, il était passé près de la chambre de Leni, qui se trouvait au septante-et-unième, juste au moment où il avait gueulé sur l'éducateur. Même si sa chambre à lui se trouvait au quinzième, il savait qu'elle l'entendait souvent. Il priait pour qu'elle ne sorte pas de sa chambre. Mais seulement à ce moment-là, une fille passait dans le couloir et lui parlait. Il ne savait pas trop ce qu'il se passait autour de lui, simplement qu'il était coincé devant la porte de Leni et qu'il ne supportait pas ça.
La dernière fois ils s'étaient chamaillés pour un rien et il savait que cela allait sûrement recommencer. Il avait utilisé des mots comme « arrête d'insulter les gens pour un rien ». Si jamais elle sortait maintenant pour lui gueuler dessus, il savait qu'il ne pourrait pas le supporter. Il avait besoin de fumer une clope, boire une bière, tirer un coup ou se droguer, au choix.

t'es assise sur ton lit, tu dévisages le mur d'en face comme s'il avait insulté ta mère que t'as jamais connu. ta mère est une pute, qu'il te dit. et toi tu lui réponds, bah peut être bien mon gars. tu subis grave la descente aujourd'hui, oscar t'as capté à ton retour. il t'a fait la morale, bla bla bla, comme toutes les nuits (c'toujours le même discours, le même scénario : reproche-clope-clope-fou rire-reproche-morale-clope-fou rire-dodo) et bim, gros rêves de fonsdé. mais là, le réveil s'est pas bien passé, t'as bégère tout ce que t'avais gober, et plus si affinité. donc au final t'étais assise dans le silence, avec ton estomac troué et ta tête cabossé, à te demander quand est ce que ta gueule aura fini de tourner dans le cosmos de ta chambre mal rangée. pas envie de bouger. juste de crever.
et là, y'a une onde dans le silence. une grosse voix de connard qui retentit dans le couloir comme une alarme incendie. tu sens la moutarde, le piment, le sel, le poivre et le sucre qui te monte au nez. tout en même temps. ça te fait l'effet de ta boite crânienne qui se fracasse contre un trottoir. tu t'lèves, fais dix pas au lieu de trois, parce que tu titubes comme un pucelle de quatorze ans qu'a bu du passoa. tu poses ta main sur la poignée, et VLAN, t'ouvre la porte si violemment que ça fait trembler ta fenêtre. et là tu gueules plus fort qu'un stade de foot. « putain de merde tu peux pas fermer ta grande gueule de connard quand tu passes dans ce putain de couloir. t'as pas fini de faire chier la planète entière, toujours à chialer pour un oui ou pour un non, nia nia nia j'ai pas d'eau chaude mais t'es pas en sucre enculé ou alors tu bouges ton cul d'abruti pour aller réparer la chaudière mais t'arrête de casser les couilles devant ma pooooooooorte ! » tu te tiens sur le cadre de la porte pour éviter d'emmêler tes jambes, parce que t'as l'impression d'avoir accroché des échasses à bascules en dessous tes chaussettes. y'a la pétasse qui lui demande tu n'sais quoi qui déguerpie aussi sec devant ta tête de gargouille. t'as tellement gueuler fort que t'as même plus l'impression d'être énervé. t'es juste québlo. tu poses ta main sur ton front et masse ta tête. « allez dégaaaaaaaaage muller. » dans ta chambre, ça pue la clope et la weed, et y'a les effluves qui s'échappent dans le couloir - aide à la descente d'ecstasy oblige- et elles vont faire leur petites balades dans les naseaux d'ton interlocuteur. et si le dirlo passe par là, t'es presque bonne pour le renvoie.